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devenirs

12 juin 2006

qu'est-ce que le néolibéralisme?

Le discours, les théories, les équilibres et les interventions du pouvoir politique étatique ont profondément évolué dans les 30 dernières années, selon Braudel, « il est hors de discussion que l’économie politique, d’un certain point de vue, est un ensemble de règles, systèmes et idées, qu’elle est aussi un vocabulaire. Or idées et vocabulaire ont leur propre histoire.[1] » Elles sont marquées par le succès du néolibéralisme théorisé par Friedrich Von Hayek[2], organisé en programme économique par Milton Friedman[3] et mis en acte par Pinochet[4], puis par Deng Xiao Ping, Thatcher et Reagan, finalement à l’ensemble du globe. Le consensus de Washington, théorisée par l’Ecole de Chicago, fourrnit le cadre monétaire et financier de la mondialisation, il est le programme des institutions monétaires et financières mondiales (OMC, FMI, Banque Mondiale[5]) au Nord comme au Sud depuis le début des années 70, une contre-révolution néoclassique en économie qui marque l’effritement du consensus néo-keynésien.[6] On peut parler d’une théodicée[7] du marché. Le succès de ces théories et ce qu’elles montrent de la conception anthropologique de l’homme par l’homme depuis une trentaine d’années constitue le cadre biopolitique au sens de gestion de l'économique, du social : du vivant.

 


[1] F.Braudel, Vers la plus grande histoire, 1958 in F. Braudel, Les ambitions de l’histoire, éditions de Fallois, Paris, 1997, p.118
[2]
F.A.Von Hayek , la route de la servitude, G. Blumberg (trad.), 1985 (première édition : 1945), Paris, PUF Margaret Thatcher disai
t: "The most powerful critique of socialist planning and the socialist state which I read at this time [the late 1940's], and to which I have returned so often since [is] F. A. Hayek's The Road to Serfdom." (M. Thatcher, the Path to Power, New York: Harper Collins, 1995, p. 50). Von Hayek a par ailleurs écrit un nouvel ouvrage en 1994 : F.A. Von Hayek, La constitution de la liberté, 1994, R. Audouin et J. Gallero (trad.), Paris, Litec, collection Economie et liberté, 530p.
[3]
Prix Nobel d’économie en 1976, père de l’école de Chicago, il fournit sa vision philosophique dans M. Friedman, Free to choose : a personal statement, 1981, New York, Avon, 330p.
[4]
S. Halimi, Le grand Bond en arrière, Paris, éd. Fayard, 2004
[5]
jusqu’en 1948 celle-ci s’appelle Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD)
[6]
 voir notamment à ce sujet Y. Dezalay et B.G. Garth, La mondialisation des guerres de palais, 2002, Paris, Collection Liber, Seuil
[7]
néologisme formé par Leibniz dans ses Essais de théodicée sur la bonté de Dieu, la liberté de l'homme et l'origine du mal (1710) visant à « justifier » l’existence du Mal, celui-ci concourt chez Leibniz à l'harmonie et à la perfection du Tout, l’homme ne pouvant qu’entrevoir le dessein divin.

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12 juin 2006

l'origine de la marchandisation, Debord

« Avec la révolution industrielle, la division manufacturière du travail et la production massive pour le marché mondial, la marchandise apparaît effectivement comme une puissance qui vient réellement occuper la vie sociale. »

G. Debord, La socié
té du spectacle, 1989 (éd.originale 1967), Paris, Ed. G. Lebovici, p.28

12 juin 2006

la philosophie selon Deleuze

Deleuze et Guattari font de la philosophie l’art de créer des concepts, Ce constructivisme a deux aspects complémentaires qui diffèrent en nature: créer des concepts et tracer un plan. « Les concept sont comme les vagues multiples qui montent et qui s’abaissent, mais le plan d’immanence est la vague unique qui les enroule et les déroule. » « Le plan d’immanence n’est pas un concept pensée ni pensable, mais l’image de la pensée, l’image qu’elle se donne de ce que signifie penser, faire usage de la pensée, s’orienter dans la pensée. » G. Deleuze et F. Guattari, Qu'est-ce que la philosophie? ,  1991, Paris, Editions de Minuit,  Collection critique, p.38-39

« La philosophie n'est pas communicative, pas plus que contemplative ou réflexive: elle est créatrice, et même révolutionnaire, par nature, en tant qu'elle ne cesse de créer de nouveaux concepts. La seule condition est qu'ils aient une nécessité, mais aussi une étrangeté et ils le sont dans la mesure où ils répondent à de vrais problèmes. Le concept, c'est ce qui empêche la pensée d'être une simple opinion, un avis, une discussion, un bavardage. Tout concept est un paradoxe. » G. Deleuze, Signes et événements, in Magazine Littéraire n°257, 09/1988, p.37

 

12 juin 2006

domestication de l'histoire académique

Une évidente technocratisation de l’histoire académique est en marche[1]. Le contexte économico-politique s’y prête, privatisation de l’université, employabilité des études, mise en concurrence des départements, harmonisation des compétences, déploiement de techniques quantitatives d’évaluation (références publiées). L’université se retrouve aujourd’hui au cœur d’un complexe médiatico-économique, elle est l’une des principales machines à légitimer. La philosophie générale de gestion interne est l’utilitarisme marchand : le sous-financement de l’ensemble de l’enseignement se traduit par une dictature du principe de réalité budgétaire.

    Le travail de l’historien est évidemment influencé par le paradigme dominant, la neutralité axiologique telle qu’elle est mise en pratique dans notre université ne permet pas de penser le rapport de force[2]. Ce conditionnement ne s’effectue pas seulement par le champ du discours possible (ce que nous avons désigné par monopole du capital symbolique) mais aussi par la forme et la finalité du discours historique.

 L’importance accrue du travail immatériel désigne la tertiarisation de l’économie mais aussi la marchandisation de toute forme de production intellectuelle, il s’agit de transformer de la pensée en capitaux. Le rôle même du chercheur en sciences humaines évolue ; dans un contexte de privatisation de l’Université, celui-ci apparaît comme un ouvrier social[3] comme les autres, détenteur d’un savoir à vocation scientifique.

 


 

[1] « La demande d’irrationnel atteint une masse critique sous la poussée d’une rationalisation accélérée de l’environnement matériel et social, et ce au moment précis où l’activité intellectuelle se trouve soumise à la loi de l’offre et de la demande. (…) Plus le monde est maîtrisé et modélisé, plus sa réalité objective s’estompe et s’éloigne des usagers. » R. Debray, le pouvoir intellectuel en France, éditions Ramsay, Paris, 1979, p.342

[2] L. Bernard, approches anthropologiques et politologiques de l’imagologie économique totalitaire, Bruxelles, 2005, p.20

[3] L’hypothèse d’un nouveau prolétariat disséminé dans toute la société, rassemblé à la fois dans les sphères de la production et de la reproduction, un ‘ouvrier social’ dont l’ouvrier masse de la chaîne fordiste n’était au mieux qu’un pauvre prototype, devait être la contribution la plus controversée de Negri à l’exploration de la composition de classe entreprise par la variété italienne du marxisme connue sous le nom d’ ‘opéraïsme’ [operaismo] S. Wright, Confronting the Crisis of Fordism : The Italian debates, Reconstruction 6, Eté 1995/96.

 

12 juin 2006

hibernothérapie

 

Le rôle de l’histoire dans la légitimation des droits de l’homme, de la sujétion de la personne humaine, est essentiel. Un spectre hante l’histoire contemporaine, ce spectre c’est celui de la deuxième guerre mondiale, de la fascination du passé et du contrôle du présent. L’enseignement de l’histoire s’arrête au lendemain de la seconde guerre mondiale, la guerre froide est pratiquement ignorée, l’histoire très contemporaine totalement occultée. En l’absence d’un éveil à la politique, les représentations sociales du passé, massivement conditionnées par l’enseignement, sont axées sur la victoire de la démocratie perçue comme union de la gauche communiste et de la droite libérale-démocrate contre l’hors champs politique que serait le fascisme. Ce qui permet de toute évidence de modeler les comportements politiques contemporains sans aucune justification historique, ce que Fanon nomme « hibernothérapie. »

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12 juin 2006

spectacle

« Le précieux avantage que le spectacle a retiré de cette mise hors la loi de l’histoire, …, d’avoir réussi à faire oublier très généralement l’esprit historique dans la société, c’est d’abord de couvrir sa propre histoire : le mouvement même de sa récente conquête du monde. Son pouvoir apparaît déjà familier, comme s’il avait depuis toujours été là. »
G. Debord, Commentaires sur la Société du spectacle, Editions Gérard Lébovici, Paris, 1987, p. 25

12 juin 2006

le marché, Karl Polanyi

La marchandisation du monde vécu entretient une relation homologique au religieux, on peut avancer l’hypothèse que cette marchandisation procède d’une totalisation de l’échange comme fait social total selon Mauss. La description par Polanyi de la naturalisation du marché reste plus que jamais valide : « On voit la nature sociologique du marché changer du tout au tout par une triple transformation : unification, extension, émancipation. […] Voilà que tout cela fusionne et qu’il n’y a plus qu’un marché, un grand marché abstrait dont les divers marchés concrets sont les manifestations particulières, un marché unifié, national d’abord, mondial ensuite : le marché unifié s’est étendu aux dimensions du monde. A ce marché vorace, il faut des marchandises, il faut que tout devienne marchandise, même ce qui ne l’était pas : le travail, la terre, la monnaie. Enfin ce marché rejette tout contrôle et prétend à une sorte d’autorité suprême : les états souverains eux-mêmes s’inclinent devant sa loi. »
Louis Dumont, préface, p. VIII, in K. Polanyi, La grande transformation, aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, 1983 (éd.originale 1944)

12 juin 2006

souveraineté bicéphale

« La forme-Etat développée dans la pensée possède deux têtes qui renvoient précisément aux deux pôles de la souveraineté : un imperium du penser-vrai, opérant par capture magique, saisie ou lien, constituant l’efficacité d’une fondation (muthos) ; une république des esprits libres, procédant par pacte ou contrat, constituant une organisation législative et juridique, apportant la sanction d’un fondement (logos). »
Gilles Deleuze, Félix Guattari, Mille Plateaux, éditions de minuit, 1980, p.464

12 juin 2006

Adorno

« Les gens se reconnaissent dans leurs marchandises, ils trouvent leur âme dans leur automobile, leur chaîne de haute fidélité, leur maison à deux niveaux, leur équipement de cuisine.
Le mécanisme même qui relie l'individu à la société a changé et le contrôle social est au cœur des besoins nouveaux qu'il a fait naître. »
Theodor ADORNO, Minima Moralia, 1991, p. 174.

12 juin 2006

Il faut tout repenser la loi et la prison, Michel Foucault

5 juillet 1981
Il faut tout repenser la loi et la prison

Par Michel FOUCAULT

Les transformations politiques, en France, on aime les vivre comme des changements de régime. Contrecoup d'une attitude générale de la classe politique : pour elle, exercer le pouvoir, c'est en hériter par une nécessité de l'Histoire, et c'est le conserver comme un droit naturel. Conséquence aussi du cher grand vieux modèle de la Révolution : le changement par excellence, celui dont on rêve et le seul qui vaille vraiment la peine, c'est le renversement de l'Ancien Régime.
Or, les nouveaux régimes, on le sait, ouvrent les prisons - bastilles - des souverains précédents. Ne nous étonnons pas de la poussée de fièvre qui a lieu actuellement dans les prisons et autour d'elles. Ni des rêves qui se sont, un instant, allumés : «On doit, on va libérer tout le monde.» Ils sont une partie de notre imaginaire politique commun. Mais dans le mouvement important, sérieux, réfléchi qui s'est développé à Fresnes, à Fleury, à Bois-d'Arcy, etc., on aurait tort de ne voir que l'écho enfermé et utopique d'une réalité extérieure plus mesurée. La prison marginalise ? Sans doute. Mais cela ne veut pas dire que la pénalité soit une institution marginale dans la société. Le droit de punir, comme celui de faire la guerre, est un des plus importants et des plus discutables : je veux dire à tout le moins qu'il mérite à chaque instant d'être discuté. Il fait trop régulièrement appel à l'usage de la force, et il repose trop profondément sur une morale implicite pour ne pas devoir l'être, avec attention et âpreté.
Il y a des mesures immédiates à prendre. Elles seraient de l'ordre de la conjoncture ; mais elles auraient une portée générale et une valeur d'engagement. Il s'agirait en somme d'éliminer tout ce qui est abus de droit sur la manière dont on applique la loi. Abus exceptionnels, bien sûr, mais aussi et surtout abus coutumiers ou mieux institués. Abus de droit, la pratique courante et la détention préventive (40 % des 42 000 détenus le sont actuellement à titre préventif). Abus de droit, les QHS et la manière dont ils fonctionnent comme prisons d'exception. Abus de droit, les punitions décidées par l'administration pénitentiaire elle-même, sans qu'il y ait ni contrôle ni défense. Abus de droit, toutes suppressions de droit au-delà de la simple privation de liberté prévue par la loi.
Mais ensuite - ou plutôt tout de suite -, il s'agit de tout reprendre à la base. Ce n'est pas qu'on n'ait pas songé depuis longtemps à réformer. Tantôt le code, tantôt les institutions pénitentiaires. Mais, précisément, l'insuffisance - donc le danger - est là, dans cette politique du couteau de Jeannot : un coup le manche, un coup la lame.
Il y a d'un côté l'«idéalisme» de la loi, ou sa pudibonderie : elle connaît ce qu'elle interdit et les sanctions qu'elle prévoit ; mais elle regarde de loin et d'un oeil impavide les institutions et les pratiques qui la mettent en oeuvre : après tout, ce que fait la police ou ce qui se passe dans les prisons n'a pas tellement d'importance, du moment que cela permet de faire respecter la loi. Quand on réforme le code, on pense aux principes de l'interdiction, non à la réalité du châtiment.
En face, il y a le «pragmatisme» de l'institution pénitentiaire : elle a sa logique ; elle a ses procédés et ses prétentions. Quand on a entrepris de la réformer, on a toujours cherché à savoir comment elle pourrait corriger ce qu'il y a dans la loi de général et de rigide : comment elle pourrait, sous la caution plus ou moins mythique de la psychologie, de la médecine ou de la psychiatrie, gérer une punition dont elle revendique pour elle seule la compétence.
Ainsi, cahin-caha, depuis plus de 150 ans ont avancé les réformes : celles de la loi qui ne veut pas savoir comme elle punit ; celles du régime pénitentiaire qui tente de se substituer au droit. Quant aux juges, j'entends aux «bons juges», ils n'ont plus qu'à courir à la fois au four et au moulin : tenter de faire valoir la loi là où on l'applique, réfléchir à la punition qu'ils imposent lorsqu'ils demandent l'application de la loi.
Il faut essayer maintenant de repenser l'ensemble : ne plus esquiver le réel, mais ne jamais accepter aucune «évidence» comme acquise.
Il ne sert à rien de définir ou de redéfinir les délits, il ne sert à rien de leur fixer une sanction, si on ne tient pas compte de la réalité de la punition : de sa nature, de ses possibilités et conditions d'application, de ses effets, de la manière dont on peut garder sur elle le contrôle. Il faut envisager en même temps et comme indissociables la législation pénale et l'institution pénitentiaire.
Mais il faut aussi s'interroger sur ce qui mérite effectivement d'être puni. Que penser des partages aujourd'hui admis entre ce qui est sanctionnable par la loi et ce qui ne l'est pratiquement pas ? Tant de précautions pour que les «moeurs» ne soient pas «outragées» ni les «pudeurs» perverties ; et si peu pour que l'emploi, la santé, le milieu d'existence, la vie ne soient pas mis en danger...
L'idée est maintenant assez communément admise que la prison est un détestable moyen de sanctionner. Il faut admettre aussi l'idée que punir est sans doute un très mauvais moyen d'empêcher un acte. Mais, surtout, il n'en faut pas conclure qu'il vaut mieux prévenir grâce à de solides mécanismes de sécurité : car ce n'est là souvent qu'une façon de multiplier les occasions de punir et de désigner à l'avance des délinquants possibles.
Ne pas multiplier le nombre des délinquants, actuels ou virtuels, comme on l'a fait si souvent sous prétexte de réforme ? Oui, bien sûr. Développer les moyens de punir en dehors de la prison et pour la remplacer ? Oui, peut-être. Mais surtout repenser toute l'économie du punissable dans notre société, et les rapports entre la puissance publique avec le droit de punir et sa mise en pratique.

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